Optimiser la production des biens et services, optimiser leur répartition, préserver un modèle économique et social visant à concilier liberté, égalité et fraternité (par la solidarité organisée au sein du modèle social) sont déjà autant de pierres apportées à l'édifice d'une société démocratique. Toutefois, pour nécessaires qu''ils soient, ces apports sont insuffisants. Il faut donc, au delà, nous poser la question de la définition d'une société démocratique et tenter d'y apporter des réponses permettant de baliser au mieux un chemin qui doit toujours nous conduire à poursuivre cet idéal démocratique.
Fernando Savater, dans son livre "Penser sa vie", énonce, entre autre, un fondement philosophique de la démocratie. Alain Touraine, dans un ouvrage qui fait référence sur ce thème : "Qu'est ce que la démocratie ?", nous apporte des réponses essentielles à cette question, notamment sur les liens pouvant exister entre économie et démocratie ainsi que sur les conditions même de la démocratie. S'agissant des liens entre économie et démocratie, Benjamin Jerry Cohen pointe, à son tour, dans un article, des limites à la démocratie que peut générer une économie purement libérale. Enfin, la désobéissance civile, dont John Rawls nous donne une définition dans sa "Théorie de la justice" pourrait être, sous certaines conditions, considérée comme une voie d'évolution et d'amélioration continue de la démocratie.
4.2 Des liens entre l'économie et la démocratie
Alain Touraine (Qu'est ce que la démocratie ?) :
. Page 32 : "Développement et démocratie sont des notions interdépendantes : chacune des deux comporte à la fois des éléments économiques, sociaux et politiques"
. Page 166 : "Alors que la société civile, c'est à dire en fait le système économique, est dominée par l'inégalité et par les conflits d'intérêts, la société politique doit être le lieu de l'égalité et la démocratie a donc pour but principal d'assurer l'égalité non seulement des droits mais aussi des chances, et de limiter le plus possible l'inégalité des ressources"
. Page 197 : "Rien n'autorise à appeler démocratique le triomphe du marché qui peut aisément ... se combiner avec un régime autoritaire"
Benjamin Jerry Cohen (Alternatives économiques Hors Série n° 87 traitant des marchés financiers) :
. Page 55 : "Un monde qui donne autant de place aux acteurs de marchés qu'à des dirigeants élus revient à subvertir l'expression de la volonté générale"
. Page 55 : " Les investisseurs ne sont ni élus ni responsables politiquement devant personne. Si la volonté de la majorité aussi mal représentée qu'elle soit dans les démocraties représentatives, peut être remise en cause par le pouvoir économique d'une minorité anonyme, la démocratie est elle-même en danger"
4.3 Les conditions mêmes de la démocratie
Alain Touraine (Quest ce que la démocratie ?) :
- La liberté est une condition nécessaire bien qu'insuffisante à la démocratie :
. Page 28 : " L'individualisme, associé à la liberté, peut réduire le citoyen à n'être qu'un consommateur politique"
. Page 32 : "D'un côté, les libertés individuelles portent la démocratie mais peuvent aussi la rendre prisonnière d'intérêts privés ; de l'autre la défense communautaire appelle la démocratie mais peut aussi la détruire au nom de l'homogénéité nationale, ethnique ou religieuse"
. Page 165 : "La liberté des élections, préparée et garantie par la liberté d'association et d'expression, doit être complétée par des règles de fonctionnement des institutions qui empêchent le détournement de la volonté populaire".
- Le droit de vote :
. Page 44 : "Il n'y a pas de pouvoir populaire qu'on puisse appeler démocratique s'il n'a pas été accordé ou renouvelé par un libre choix, il n'y a pas davantage de démocratie si une part importante des gouvernés n'a pas le droit de vote"
. Page 215 : Il n'y a pas de démocratie sans volonté du plus grand nombre d'exercer le pouvoir, au moins indirectement, de se faire entendre et d'être partie prenante des décisions qui affectent leur vie"
- Majorité et minorité(s) :
. Page 29 : " Il faut cesser d'opposer rhétoriquement le pouvoir de la majorité au droit des minorités. Il n'existe pas de démocratie si l'un et l'autre ne sont pas respectés"
. Page 98 : "Il est souhaitable que les minorités soient reconnues dans une société démocratique, mais à condition qu'elles reconnaissent la loi de la majorité et qu'elles ne soient pas absorbées par l'affirmation et la défense de leur identité"
- Les institutions :
. Page 28 : "La culture démocratique ne peut naître que si la société politique est conçue comme une construction institutionnelle dont le but principal est de combiner la liberté des individus et des collectivités avec l'unité de l'activité économique et des règles juridiques"
. Page 215 : "Si la démocratie suppose la reconnaissance de l'autre comme sujet, la culture démocratique est celle qui reconnaît les institutions politiques comme lieu principal de cette reconnaissance de l'autre"
- La nature et la place de l'Etat :
. Page 44 : "C'est quand la distance qui sépare l'Etat de la vie privée est reconnue et garantie par des institutions politiques et par la loi que la démocratie existe"
. Page 62 : "Il n'y a de démocratie que quand l'Etat est au service non seulement du pays et de la nation, mais des acteurs sociaux eux-mêmes et de leur volonté de liberté et de responsabilité"
. Page 100 : "La République est une des composantes indispensables de la démocratie"
- les 3 caractéristiques d'une démocratie (pages 45 et 46 ) :
. 1) "La représentativité des gouvernants",
. 2) " Les électeurs sont et se considèrent comme des citoyens",
. 3) "Le pouvoir des gouvernants est limité"
- Une définition de synthèse proposée :
. Page 109 : "La devise "Liberté, Egalité, Fraternité" donne la meilleure définition de la démocratie, parce qu'elle réunit des éléments proprement politiques à d'autres qui sont sociaux et moraux".
4.4 La désobéissance civile : une voie possible d'évolution et d'amélioration continue de la démocratie
John Rawls (La théorie de la justice) en donne une définition :
. Page 65 : "La désobéissance civile peut être définie comme un acte public non violent, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement
4.1 Un fondement philosophique de la démocratie
Fernando Savater (Penser sa vie) :
. Page 65 : " La démocratie repose sur ce principe qu'il n'y a pas d'hommes qui soient nés pour commander et d'autres pour obéir, mais que nous naissons tous avec la capacité de penser, et donc avec le droit politique d'intervenir dans la gestion de la communauté"
